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L'île de Ré polluée par des nostalgiques de l'extrême droite. Des admirateurs du collaborateur <b style="color:black;background-color:#ffff66">Henri</b> Béraud viennent chaque année fleurir sa tombe. Sous le nez d'anciens déportés.
08/08/1997 à 07h44

L'île de Ré polluée par des nostalgiques de l'extrême droite. Des admirateurs du collaborateur Henri Béraud viennent chaque année fleurir sa tombe. Sous le nez d'anciens déportés.

LEMIEUX Emmanuel

C'est une grosse tête de granit, tout au fond du cimetière de

Saint-Clément-des-Baleines, qui agite ce petit village de l'île de Ré depuis 1993. Ci-gît, sous la statuette, les restes d'Henri Béraud, double prix Goncourt (le Vitriol de lune et le Martyre de l'obèse), écrivain-journaliste des années 20 admiré par Pierre Mac Orlan, mais surtout chroniqueur violemment antisémite de Gringoire, collabo condamné à mort puis gracié par de Gaulle, sur proposition de François Mauriac, avant de finir ses jours au bagne de Saint-Martin-de-Ré et d'être enterré en 1958 à Saint-Clément-des-Baleines.

Tous les 14 juillet depuis quatre ans, une quinzaine de membres d'une Association rhétaise des amis d'Henri Béraud débarque d'on ne sait trop d'où, après les manifestations officielles rassemblant anciens combattants, déportés et résistants, pour déposer une gerbe commémorative sur le monument aux morts du village. De la provocation pur sucre d'extrême droite, jugent invariablement les édiles successifs qui produisent avec constanc e des arrêtés communaux pour interdire cette manifestation. Avec la même constance et malgré la présence de gendarmes, les membres de l'association réussissaient à déposer leur gerbe et multipliaient les procédures de recours contre la municipalité de Saint-Clément-des-Baleines.

Très embarrassé par une histoire qui prend de l'ampleur et peu disert sur le fond, Jacques Neveur, le maire, n'a qu'un souci officiel, celui de «protéger la tranquillité des 681 habitants en évitant des troubles à l'ordre public» pendant cette saison touristique. Cette année, l'ambiance a pourtant monté d'un cran.

Pour la première fois, une contre-manifestation d'anciens résistants et de déportés s'est opposée à la délégation, sous les yeux d'une quinzaines de gendarmes. «Quand les deux petites filles sont sorties de la voiture avec la gerbe, je les ai prises toutes deux par les épaules et je leur ai expliqué ce qu'avait été la guerre de 1939-1945, la Résistance et la déportation. D'un seul coup, un type à lunettes m'a sauté dessus et m'a fait tomber à terre en me tapant dessus et en hurlant: "Vous avez étranglé ma fille!», témoigne André Parise, 73 ans, ancien déporté et habitant de Saint-Clément-des-Baleines. C'est à ce moment-là que les gendarmes sont intervenus et ont dispersé tous les manifestants. André Parise a porté plainte pour «coups et blessures» et les amis d'Henri Béraud également, contre le déporté, pour les mêmes raisons. André Parise en tremble d'indignation: «Moi, étrangler des petites filles devant des gendarmes qui n'auraient pas bougé d'un pouce? C'est grotesque!»

Dans une lettre adressée à Max Ragot, habitant de l'île et membre du comité directeur national de la France libre, une certaine Isabelle Allibert, se proclamant «mère de cinq enfants», accuse Parise d'être un être «éructant» et «vraisemblablement ivre». La gendarmerie enquête.

Qui sont les membres de l'association rhétaise présidée par Jean-Paul Valin? Le mouvement a participé cet été à la réédition de la Légende de l'île de Ré, préfacée par Béraud (1925), en vente dans toutes les librairies de l'île. Philippe Barrault, le libraire-éditeur de la librairie Guénégaud, à Paris, explique encore que l'association lui a prêté son fichier d'adhérents. «Je pense qu'elle n'a de rhétaise que le nom», indique Jacques Neveur, le maire de Saint-Clément-des-Baleines. Vérification faite, le siège social est domicilié à Loix, dans l'entrelacs des marais salants de l'île. Une adresse qui embarrasse le correspondant de la mairie, qui affirme avec aplomb que «cette association a été dissoute et que tout ça ce sont les affaires de Saint-Clément». L'association est logée au 13 rue de la Poste à Loix chez Francis Bergeron, secrétaire général du mouvement et écrivain parisien «pour enfants» mais aussi auteur d'opuscules plus explicites: De Le Pen à Le Pen, les droites dans la rue... «M. Bergeron ne parle à personne, il n'est pas là, nous avons loué cette maison», assène au téléphone une voix féminine. «Essayez de le joindre au journal Présent», suggère le secrétariat des éditions Dominique-Martin Morin qui l'éditent. A ce journal, on rétorque qu'«il est difficile à joindre et qu'il vaut mieux lui écrire pour la rentrée».

Ce rédacteur de Présent est un vieux compagnon du FN (Stirbois, Antony, Le Gallou), membre actif de diverses boutiques idéologiques proches du Parti d'extrême droite (Cercle Horizon, Institut d'études de la désinformation avec Jean Raspail, Institut d'histoire sociale et de la société internationale des droits de l'homme). On l'a vu en 1989 dans le Bas-Berry déposer une gerbe sur la N143 en compagnie du prince Gonzague de Bourbon, à la mémoire du «génocide vendéen». Son dernier combat idéologique semble être la réhabilitation tonitruante de Henri Béraud. Soucieux de cette agitation à la veille du 40e anniversaire de la mort de l'écrivain, Max Ragot compte saisir le préfet pour que «cette histoire s'arrête une bonne fois pour toutes». Ginette Parise, l'épouse du déporté mis en cause, remarque: «S'ils honoraient leur mort dans le cimetière, on s'en ficherait, mais ils ne le font même pas, la tombe est quasiment laissée à l'abandon.» Dans le cimetière de Saint-Clément-des-Baleines, la tombe du romancier collaborationniste, décorée d'une couronne grillée datant de l'an dernier, est encerclée par celles de soldats anglais et de déportés.