Courrier International, blog Tous les blogs Signaler ce blog Envoyer a un ami

10.03.2009

Maurras et les hussards

Maurras, c'est le bel esprit qui chantait Ulysse avant de louer le maréchal Pétain. A force de contempler les ruines d'un monde qui n'existait plus, il a fini par envisager son époque dans le même état. La biographie très fouillée que lui consacre Stéphane Giocanti nous montre que l'affaire est plus complexe.

aspects1.jpgSeulement, à force de nous dire qu'il y a plusieurs hommes dans Maurras comme Depardieu susurrait à Catherine Deneuve, dans « le Dernier Métro », qu'il y avait plusieurs femmes en elle, on finit par diluer l'essentiel.

Charles Maurras (1868-1952) s'est trompé ! Le fait que Kessel lui ait rendu visite avant la guerre, que Daniel Ha-lévy, de Gaulle, Georges Bernanos, Jacques Lacan aient été inspirés par sa pensée ne change rien à l'affaire.

Qu'il ait servi lors du procès de 1945 de coupable moins gênant que Doriot abattu par un avion ou Déat caché dans un monastère italien, là encore Giocanti a raison. Pourtant, c'est Maurras qui a discrédité l'Action française en applaudissant à la création de la Milice, en trouvant Déat trop critique vis-à-vis de Vichy ou en publiant un article «lamentable » sur Roger Worms (Roger Stéphane) en février 1944 qui fut suivi de l'assassinat de son père, Pierre Worms. Cette dérive fasciste a conduit la droite littéraire à éviter le compagnonnage avec Maurras dans les années 1950.
Ni Marx ni Maurras.

C'est pour éviter le choix que les hussards (Nimier, Blondin, Laurent) cultiveront le refus de l'intellectualisme et de l'engagement. Ils s'attacheront à des écrivains qui avaient du style (Morand et Chardonne) mais peu d'idées, ou des idées si creuses qu'elles finissaient en noir comme les chemises.

souffre.jpgDans « le Soufre et le Moisi », François Dufay suit l'itinéraire de ces fringants jeunes hommes qui rêvaient d'en remontrer aux héros du gauchisme (Sartre) ou du gaullisme (Mauriac). Ils avaient de l'allure, le sens du calembour, de la mauvaise foi et du talent, à défaut de génie.

«Charles Maurras. Le chaos et l'ordre», par Stéphane Giocanti, Flammarion, 580 p., 27 euros. «Le Soufre et le Moisi. La droite littéraire après 1945», par François Dufay, Perrin, 240 p., 16,50 euros.
 
Laurent Lemire
Le Nouvel Observateur

Écrire un commentaire