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22.03.2009

"Jamais, jamais, nous ne nous lasserons d'offenser les imbéciles" (Bernanos/Juvin)

 bernanos1.jpgUne citation en guise de signature que l'on trouve sous la photo du maire de La Garenne-Colombes, Philippe Juvin en entête de son blog ou d'une de ses pages FaceBook (je ne sais plus, il y en a tellement).

 Surprenant de la part d'un élu municipal ou d'un médecin.

 Qui était Georges Bernanos ?

Bernanos est plus vieux que Haedens, il est né en 1888 mais comme Kleber Haedens, que le maire adore au point de lui dédier un collège, Bernanos, nationaliste et monarchiste passionné milite aussi très jeune dans les rangs de l'Action française et des Camelots du Roi (tiens, encore un); c'était pendant la première guerre mondiale.

Bernanos, comme Kleber Haedens qui publia dans des journaux antisémites, eut des propos franchement antisémites, en particulier au début des années 30 dans "La Grande peur des biens pensants" (1931).

22357.jpgBernanos fit même cette déclaration en forme d’aveu qui va très loin. Il a écrit : "Hitler aura définitivement déshonoré l’antisémitisme".  Il fit aussi l’éloge pathétique de la pensée de Drumont et ne désavoua ni les Brasillach ni les Rebatet ni les Léon Daudet, comme Haedens.

Mais les ressemblances s'arrêtent là.

On ne peut pas comparer un Georges Bernanos à Kleber Haedens. Ni leurs œuvres, ni leurs parcours ne sont comparables. Parler d'œuvre de Kleber Haedens, c'est aller un peu vite alors que celle de Bernanos est riche et admirable.

Mais c'est par leur parcours et leurs engagements respectifs qu'ils diffèrent radicalement.
Alors que Kleber Haedens, costaud et bien portant, et bien que formé dans une école militaire préféra, au déclanchement de la seconde guerre mondiale, se planquer à Lyon et écrire que d'aller au front comme ceux de son âge, Bernanos, bien que réformé, s'engage, lui, en 1914 au sixième régiment de dragons avec lequel il fut de nombreuse fois blessé.

Alors que Kleber Haedens, depuis ses débuts en tant que jeune écrivain et jusqu'à son dernier souffle resta un fidèle de Charles Maurras – en 1968, encore, il était de l'association des amis de Charles Maurras, Georges Bernanos qui fut aussi un fervent militant et qui collabora également à des journaux monarchistes comme l'Action française, Le Mail, La Liberté et Le Soleil pendant les années qui précédèrent La Grande Guerre n'hésita pas pourtant en 1932 à rompre avec fracas avec Charles Maurras qu'il venait de soutenir quand en 1926 le pape Pie XI excommunia l’Action française.

Alors que Kleber Haedens soutenait mordicus (en mordant) le régime de Vichy et défendait sans faille le concept de révolution nationale du maréchal Pétain, Georges Bernanos, lui, pendant la Seconde Guerre mondiale, soutient la Résistance et l'action de la France libre dans de nombreux articles de presse où éclate son talent de polémiste et de pamphlétaire.

L'antisémitisme de Bernanos aussi se transforma radicalement au point que Elie Wiesel, en 1987 résumait le parcours de Bernanos en déclarant que celui-ci était « peu à peu venu vers les juifs », et « qu'il eut le courage de s'opposer au fascisme, de dénoncer l'antisémitisme. Ce que ne fit jamais Kleber Haedens.

Quand au mot « imbéciles » (au pluriel) qui revient souvent sous la plume de Bernanos et que Philippe Juvin s'approprie, il faut savoir que par là, Bernanos manifestait sa « pitié » pour "les petits cancres de la nouvelle génération réaliste » (les néo-maurrassiens des années 1930 comme Kleber Haedens, justement), et, plus tard, pour « les affreux cuistres bourgeois de gauche » (les communistes et les démocrates-chrétiens), mais aussi pour tous ceux chez qui la propagande des médias, le manque de courage personnel et la manipulation par des abstractions excessives avaient fini par remplacer l'expérience humaine réelle et concrète".

Si je devais mettre une citation sur ce blog et sous ma photo – ce que je ne fais pas par peur du ridicule, je mettrais plutôt cette citation populaire : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Je la préfère de loin à toutes ces citations pseudo littéraires qui ne sont souvent que l'expression d'un complexe de supériorité ou d'égocentrisme.

Et Georges Bernanos, d'avis, il en changea tout au long de sa vie, ce qui le rend profondément "humain". Pas Kleber Haedens.

Finalement, le temps d'un billet dominical, je reprendrais bien à mon compte et à mon tour la citation de Bernanos : "Jamais, jamais, nous ne nous lasserons d'offenser les imbéciles",  si les imbéciles sont les mêmes que ceux de Bernanos, je veux dire Kleber Haedens et plus généralement ceux qui ne changent pas d'avis, quand ils se rendent compte qu'ils ont tort.

Commentaires

Ce très bel article, nous montre une fois de plus qu'une pensée forte est également complexe et ne peut en aucun se résumer en une phrase ou une maxime. La pensée de Georges Bernanos en est l'exemple même.

A l'inverse les simplistes sans grande convictions, ceux dont la pensée est sommaire et va au gré de la mode du moment et des circonstance, ceux la même dont l'obsession première est de plaire eux sont les esclaves plus ou moins volontaire des contingences de la vie.

Pour dissimuler l’indigence de leur pensée et de leur raisonnement, ils sont obligés de feindre une assurance à toute épreuve quitte à s’obstiner dans leurs erreurs. Chez ces individus, la demi-mesure et l’art du compromis n’existe pas, ils sont volontairement binaire et cela ne les rend pas moins dangereux. En effet, remettre un tant soit peut en question leur raisonnement serait s’avouer à eux même leur échec et cela, ils se l’interdisent.

De toute façon, et c’est mon avis, tant que l’on n’a pas fait le tour d’un problème et démonté minutieusement tout ses rouages tel un horloger, on parle dans le vide et tout acte n'est que gesticulation et agitation.

N’est ce pas une réalité à laquelle nous assistons tout les jours d’ailleurs ?

Ecrit par : Garennois | 22.03.2009

Il est clair que l'article ci-dessus qui concerne Bernanos est, à juste titre, élogieux. Petite précision, cependant. Bernanos n'eut jamais rien de commun avec Rebatet, et encore moins avec Brasillach (dont il n'a jamais demandé la grâce - ce que firent Camus, ou Colette - mais peut-on le leur reprocher si l'on est un adversaire de la peine de mort ?). Tous les deux furent des collaborateurs, et Rebatet, à un degrés moindre que Brasillach qui, lui, a été fusillé dans l'immédiate après-guerre. Cette association entre ces deux noms - Bernanos qui fut l'un des plus grands inspirateurs de la résistance, anti-franquiste, anti-fasciste et Brasillach qui fut tout le contraire - a été effectuée par un ignoble petit monsieur opportuniste et surgonflée de suffisance, qui répond au nom de Jean Daniel (voir son éditorial dans le nouvel obs du 30 juillet 2008), lequel a d'autant moins d'excuses qu'il connait l'Histoire, contrairement à tant d'autres. Alors pourquoi ? La réponse est simple : lorsque la tendance générale est à la confusion des esprits et à la calomnie, rares sont ceux qui ont le courage de s'y opposer, même lorsqu'ils connaissent la vérité. C'est pourtant ce que fit le très honorable Philippe Lançon dans un très bel article sur Bernanos (voir "Libération" du 3 septembre 2008). Quoiqu'il en soit, l'humanisme et la lucidité de Georges Bernanos continueront encore très longtemps d'éclairer les consciences et de toucher les coeurs, lorsque les Jean Daniel et les Alexandre Adler n'évoqueront strictement plus rien dans la mémoire de qui que ce soit (c'est à dire demain) !.... Allez donc écouter la voix libératrice de Bernanos dans le très beau spectacle de Samir Siad et Valérie Aubert - "Compagnons Inconnus", à la M.C 93 de Bobigny.

Ecrit par : loup de canlers | 26.03.2009

Bernanos a eu en commun avec Brasillach, Rebatet, Poulet, Daudet et Haedens ( et quelques autres) un antisémitisme de plume avéré, dangereux et qui serait aujourd'hui considéré comme un délit
Mais contrairement à ceux-là, il a fait comme la nature, il a évolué lentement. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. On ne peut en dire autant de ceux qui sont restés figés, fixés, englués dans le maurrasisme primaire du début du siècle. Certains le sont encore au point de croire qu'un collège pourrait porter laujourd'hui la couleur de la haine. Ce point de vue n'est pas celui d'un lecteur du Nouvel Obs mais celui de quelqu'un qui vient de passer quatre heures à se retenir de vomir à la lecture de dizaines de Je suis partout.
"Jamais, jamais, moi non plus, je ne me lasserai d'offenser ces imbéciles-là.

Ecrit par : PhilBert | 26.03.2009

Que “Je suis partout” ait été un ignoble journal de propagande collaborationniste, il n’y a strictement aucun doute sur ce point. C’est un fait historique incontestable. Votre nausée est donc parfaitement compréhensible. On vomirait d’ailleurs à moins...
Pour ce qui concerne Kleber-Haedens, je ne le connais pas, et ne suis donc pas en mesure d’apporter le moindre commentaire à ce sujet. Par contre, je puis prétendre connaître un peu Georges Bernanos, en tous cas suffisamment pour compléter mes propos qui précèdent, et auxquels vous avez souhaité répondre. Je sais aussi que vous avez désiré évoqué le parcours de cet écrivain, en réponse à une citation faite par M. Philippe Juvin pour justifier sa propre démarche. C’est votre droit, d’autant plus que Bernanos n’appartient à personne, et surtout pas aux politiques qui pourraient avoir l’intention de l’instrumentaliser (cela a toujours été le cas, à gauche comme à droite...).
Cependant, si j’ai souhaité intervenir dans votre débat, c’est parce que votre transcription, sincère, de l’itinéraire de Bernanos, si elle constitue dans l’ensemble un hommage, contient quelques contre-vérités qu’il convient de rétablir. Vous ré-utilisez en effet les mots mêmes de Jean Daniel, qui étaient très précisément (et très perversement) : “Il faut croire que Bernanos n’aurait pas désavoué les Brasillach, les Rebatet, les Daudet”. Comme je l’ai dit plus haut, Bernanos est l’un des grands inspirateurs de la résistance (ce sont les résistants eux-mêmes qui le disent). Dés l’appel du 18 juin, et même avant, il refuse de toutes ses forces l’armistices et invite “tous les français à se rallier à l’Histoire de France”. Ses deux fils rejoignent aussitôt la France Libre. Brasillach fut, lui, un intellectuel tout dévoué à la propagande vichyste, serviteur de l’antisémitisme raciste et criminel de l’administration pétainiste qui n’avait à envier à celui des nazis. L’engagement de Bernanos, toute l’évolution de sa vie même, constituent donc un désaveu absolu à ce que fut Robert Brasillach. Dans une lettre datant de décembre 46, Bernanos confie d’ailleurs “avoir été régulièrement traîné dans la boue par “Je suis partout”. Dans cette même correspondance, il dit aussi, que “si dans la fièvre de la libération, toute l’équipe de “Je suis partout” avait été fusillée, j’aurais applaudi des deux mains....”. A propos de Rebattet, qui écrivait dans le même journal, il est pour lui un “ennemi” dont chacun est “en droit de détester les idées”. Si ça n’est pas un désaveu, on peut se demander ce que c’est... Enfin, en ce qui concerne Léon Daudet, je vous renvoie à la rupture de Bernanos avec Charles Maurras, en 1932, et aux réactions si terriblement venimeuses et destuctrices de ce dernier, auxquels se sont ralliés son collaborateur Maurice Pujot et... Léon Daudet qui n’a pas été en reste, qualifiant notamment Bernanos “d’imposteur abject”. Dés cette période, Bernanos est, et demeurera, pour “l’Action Française” un homme à abattre. Lorsqu’il écrira “Les Grands Cimetières sous la Lune”, et dénoncera les crimes des franquistes, commis avec la complicité du clergé espagnol, l’extrême droite le considérera définitivement comme un traître, avant que la seconde guerre ne clarifie encore plus nettement l’engagement de l’un et des autres... Voilà donc comment, et M. Jean Daniel ne peut l’ignorer, comment Bernanos a bien désavoué les trois individus dont il est ici question et, surtout, ce qu’ils représentaient...

Pour ce qui concerne la question de l’antisémitisme, on peut être effectivement choqué, à juste titre, par certaines phrases (même si elles sont, au final, très peu nombreuses) de “La Grande peur des bien-pensants” (1930). Cela étant dit, l’antisémitisme dont il est ici question rejoint celui qui consistait alors à associer la figure du juif à l’argent. C’est, alors, une forme d’anti-capitalisme qui, elle n’est pas excusable en tant que telle, n’a rien à voir avec le caractère raciste de l’antisémitisme nazi, et vichyste, qui précéda l’élimination des juifs. Il faut aussi se souvenir, comme l’écrit Jacques Julliard dans son dernier livre, qu’ au début du siècle “les trois-quart de la France étaient antisémites”, de cet "antisémitisme de mise", qui a pu gagner tant de consciences. Entre autres exemples, ce journal respectable qu’est aujourd’hui “La Croix” se targuait, à la même époque, “d’être le journal le plus anti-juif de France”. L’opinion de tous ces gens serait désormais très certainement considérée comme un délit, mais cela n’a aucun sens si on ne fait pas l’effort de re-situer tout cela dans son contexte... Car, depuis, la Shoah a eu lieu.
Ce qui est essentiel, et déterminant, c’est l’évolution de la pensée en cette période si troublée, et l’engagement qui fut celui des uns et des autres. C’est toujours notre engagement qui nous détermine, au delà des erreurs du passé. Or, Bernanos a très certainement évolué, tout en demeurant profondément fidèle à l’idée qu’il se faisait de la liberté, et de la défense de celle-ci. A partir de 1936, sa relation avec les juifs va changer. Et ce changement se produit aussi en réaction contre la propagande antisémite et raciste des nazis, qui commence alors à faire de nombreux adeptes en France (et pas seulement à l’extrême droite). Voici des extraits de textes qui témoignent de cette évolution. J’espère qu’ils vous éclaireront :

1) En 1938, “année munichoise”, Bernanos déclare : Aucun de ceux qui m’ont fait l’honneur de me lire ne peut me croire associé à la hideuse propagande antisémite qui se déchaîne aujourd’hui dans la presse dite nationale, sur l’ordre de l’étranger.

2) En 1939, il écrit dans “Nous autres Français” (Gallimard) : J’aimerais mieux être fouetté par le rabbin d’Alger que faire souffrir une femme ou un enfant juif. Il me semble, poursuit-il, que si les agneaux de vos associations catholiques se mettent un jour à redouter le Juif, non pour la Chrétienté, mais pour eux-mêmes, vous les verrez manger du Juif et de la Juive, comme en Espagne, ils mangent du Rouge, et si vous leur parlez de racisme, ils répondront la bouche pleine : “Tous cela, c’est de la philosophie. L’épuration faite, nous en reparlerons. Mort aux Juifs ! Ces mots qui , comme les précédents, datent toujours d’avant-guerre, ne dénoncent-ils par anticipation la complicité, ou le rôle actif, des miliciens pétainistes, de la police de Vichy, de certains hauts dignitaires du clergé et d’une bonne part de cette bourgeoisie catholique que Bernanos exécrait, dans la stigmatisation puis l’extermination des Juifs durant la guerre ?

3) Dans “Race contre nation” (Le chemin de la croix des âmes - Editions du Rocher), Bernanos en appelle en décembre 40, à la “fraternité originelle des chrétiens”. Il constate que ceux-ci “se taisent”, “qu’ils regardent se détruire, dans les faits, dans les esprits, dans les consciences, une des conceptions les plus précieuses de l’histoire. Peut-être même, ajoute-t-il, n’ont-ils pas perdu tout espoir d’utiliser, par une manoeuvre habile, la paganisme renaissant, et par exemple de le laisser tranquillement exterminer les juifs et les francs-maçons”. Et il poursuit : “Si la religion de la race devait l’emporter un jour, elle anéantirait du même coup toute la grâce et la beauté du monde, elle en détruirait aussi tout le divin” (...) “Cette guerre est la guerre de la race. c’est pourquoi elle est une guerre d’extermination” “La nouvelle race élue, la race allemande, extermine les juifs ou les fait exterminer par les nations réduites au rôle de servantes, appelées à collaborer à la préservation du sang sacré, du sang des maîtres”.

4) En février 1943, dans un article intitulé “Nous vous jetterons sur le parvis” (in “Le Chemin de la Croix des Âmes”) Bernanos s’adresse au gouvernement français à propos du sort de l’ancien ministre de l’Intérieur Georges Mandel, qui sera assassiné par la milice le 7 juillet 1944 : ... Si vos maîtres ne nous rendent pas Mandel vivant, vous aurez à payer ce sang juif d'une manière qui étonnera l'histoire - entendez-vous bien, chiens que vous êtes - chaque goutte de ce sang juif versé en haine de notre ancienne victoire nous est plus précieuse que toute la pourpre d'un manteau de cardinal fasciste. Est-ce que vous comprenez bien ce que je veux dire, amiraux, maréchaux, excellences, éminences et révérences ?

5) Enfin, dans “L’honneur est ce qui nous rassemble” (in “Français si vous saviez” - 1948), texte déterminant, il déclare : Le mot d'antisémite est un mot mal né, un mot qui devait tôt ou tard, comme disent les bonnes gens, "mal tourner", à l'exemple de tous ceux qu'on a formés sans grande dépense de jugement ni d'imagination, grâce à la particule prépositive anti. Hélas ! il n'est pas de mot du vocabulaire qui ne soit capable de diviser les hommes au point de les faire se haïr, mais il n'est d'honorable que ceux-là qui, le jour venu, sont capables de les réconcilier. Le mot d'antisémite n'a évidemment pas en lui cette vertu. (...) Le mot d'antisémite n'est pas un mot d'historien, c'est un mot de foule, un mot de masse, et le destin de pareils mots est de ruisseler, tôt ou tard, de sang innocent. (...) “Depuis deux mille ans, c’est bien ainsi par une espèce de substitution religieuse formidable qu’Israël nous apparaît sous les traits de celui qu’il vit lui-même un jour au seuil du prétoire de Pilate, le visage défiguré par les coups, sa robe blanche trempée du sang de la flagellation (...) "Ce qui a au cours des siècles opposé le monde chrétien au monde juif n’est sans doute qu’un malentendu mais c’est un malentendu fondamental, et qui en pénétrerait le sens connaîtrait du même coup peu-être la signification totale de l’Histoire. Autre chose est de haïr et autre chose est de méconnaître, et si nous avions le courage d’aller au-delà des apparences, nous devrions sans doute convenir que le plus grand malheur d’Israël n’est pas d’avoir été si constamment haï, c’est d’avoir été non moins constamment méconnu” (...) Je crois aussi que, le sachant ou sans le savoir, les opposants à l’insurrection obéissaient à une vieille conception juive de l’honneur, très étrangère à notre sensibilité, conformant ainsi à l’attitude immémoriale de leurs pères, depuis la dispersion. L’honneur juif, en effet, depuis deux mille ans, n’est pas de résister par la force, mais par la patience, car le but que se propose, que s’est toujours proposé ce peuple impérissable n’est pas de vaincre, mais de durer ; c’est de la durée qu’il attend le salut. Qu’Israël dure, et le très haut vaincra pour lui. En attendant, l’honneur, c’est de rester juif et de faire des enfants juifs, d’en faire assez pour que tous les pogroms ne puissent anéantir ce que Dieu a ordonné de conserver » (...) "Les charniers refroidissent lentement, la dépouille des martyrs retourne à la terre, l'herbe avare et les ronces recouvrent le sol impur où tant de moribonds ont sué leur dernière sueur, les fours crématoires eux-mêmes s'ouvrent béants et vides sur les matins et sur les soirs, mais c'est bien loin maintenant de l'Allemagne, c'est aux rives du Jourdain que lève la semence des héros du ghetto de Varsovie...


Bernanos applaudissait ici la création de l’état d’Israël, dont il fut le témoin, quelques semaines avant de mourir...

Ecrit par : loup de canlers | 30.03.2009

Merci Loup de Canlers pour ce commentaire très riche et fort intéressant. Me permettriez-vous de le publier dans l'état en colonne centrale de ce blog. Je suis certain de son intérêt pour nombre de lecteurs.
Kleber Haedens était l'ami et le collaborateur de Brasillach et Rebatet. Dans leur ombre de leur vivant puis dans le rôle de "réhabilitateur" ensuite. De Bernanos, je ne sais pas s'il en a parlé. Vous, vous en parlez très bien.
Par contre, c'est pur hasard si j'ai utilisé des mots de Jean Daniel dont je ne suis pas "fan". Je n'arrive pas à lire plus de dix lignes de lui, ensuite je m'endors ... soporifique, Jean.
Merci encore d'être passé par là. A bientôt.

Ecrit par : Philbert | 30.03.2009

Bien sûr Philbert, vous pouvez tout à fait le publier en l'état en colonne centrale de ce blog. Merci à vous également.

Ecrit par : loup de canlers | 30.03.2009

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