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23.04.2009

Haedens avait des valeurs visiblement contraires à celles de la République

La question est de savoir si, pour nommer un collège, on peut faire abstraction des valeurs que représentait cet homme,...

Kléber Haedens semble avoir été un monsieur très prudent, mais on trouve encore d'autres passages révélateurs dans son histoire de la littérature française.
Dans la première édition de 1943, on trouve par exemple ce passage (p.460) à propos de Céline: "mais Céline n'en continua pas moins sa route en lançant d'énormes pamphlets antisémites, tantôt réjouissants, tantôt sinistrement ennuyeux ( Bagatelles pour un massacre, l'Ecole des cadavres)".
Qui pouvait trouver des pamphlets antisémites "réjouissants" ou même simplement "ennuyeux", à une époque ( le livre a été écrit entre avril 1942 et février 1943, et publié en 1943) où l'on déportait des trains entiers de juifs vers les camps de concentration? Dans son édition révisée de 1970, Kléber Haedens a cru bon d'effacer ce débordement qui lui avait sans doute paru tout naturel à l'époque ( voir p.482-483).

maurras22.jpgOn note aussi la différence des développements sur Maurras, son maître à penser , entre la première et la dernière version de son livre. Dans l'édition de 1943, son admiration se déploie librement: "cet homme extraordinaire n'a cessé de répandre pendant toute son existence une somme presque fabuleuse de vérités, dissipant les nuées, traquant et forçant les mensonges et les idées folles répandues en France depuis l'Encyclopédie, libérant la meilleure part de la jeunesse des poncifs démocratiques" (p. 411), ou encore (p. 411) "la prison de Maurras est l'un des signes les plus aveuglants de la stupidité démocratique". (* :il s'agissait de la prison que Maurras avait faite sous le Front Populaire en raison de menaces conditionnelles contre Léon Blum!)

Je n'ai pas retrouvé ces vigoureuses assertions dans la version de 1970, mais, même avec quelques adoucissements de la rédaction, on peut difficilement douter que Kléber Haedens reste fidèle à lui-même. On a vu son passage sur Brasillach, on peut aussi consulter les quelques lignes sur Henri Béraud, ou sur Rebatet , dont il dit qu'il " faudra relire dans dix ans" l'énorme pamphlet ", "Les Décombres", qui lui a paru "tout plein d'une jubilation atroce".

Et que dire, quand on a lu le livre, de son jugement lapidaire sur "le silence de la mer" de Vercors? (C'est dans la version de 1970, p. 497). "récit assez plat où l'on voit deux français abrutis aux prises avec un allemand très distingué, lui-même accablé par les sombres desseins de l'Allemagne à l'égard de la France. Le succès de cet ouvrage reste entièrement inexpliqué." En quoi est-ce une critique littéraire? En quoi ces deux français méritent-ils le nom d'"abrutis"? Parce qu'ils refusent de sympathiser avec un occupant?

Kléber Haedens écrivait bien, mais ce n'est pas la question. La question est de savoir si, pour nommer un collège, on peut faire abstraction des valeurs que représentait cet homme, et qui étaient visiblement contraires aux valeurs de la République ?

Ecrit par : quidam | 21.04.2009

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Une histoire de la littérature française a été publiée par Kleber Haedens en 1943 ... soit deux ans après la première utilisation du camp de Drancy !

Wagon-drancy.jpg20 et 21 août 1941 Nouvelles arrestations massives de Juifs étrangers à Paris. 4 232 hommes sont internés à Drancy par la police française, à la demande des Allemands. Environ un millier sont des français. C’est la première fois que le camp de Drancy est activé. Plus de 63 000 Juifs passeront par ses portes durant la Shoah.

Qui pouvait en 1942-43 trouver des pamphlets antisémites de L.F Celine, "réjouissants" ? Mais Kleber Haedens que l'on va même honorer à La Garenne-Colombes d'un nom de collège ! Problème !

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Commentaires

Il existe une raison tout simple à la critique cinglante du "silence de la mer" : c'est un roman tout ce qu'il y a de plus lamentable, fort mal écrit et rempli à ras-bord de bêtise cocardière (un sous-sous-sous Colette Baudoche si l'on veut)
Quant à la façon dont Haedens qualifiait les pamphlets de Céline, il faut bien sûr faire deux parts : les pamphlets, comme l'admettent aujourd'hui des critiques comme Philippe Alméras ou Sollers, sont souvent tout autant que les romans représentatifs du "grand style" célinien — Haedens les juge donc "réjouissants" — parfois beaucoup plus faibles — Haedens les juge alors "ennuyeux" — quant à l'appréciation politique, elle est toute entière contenue dans l'adjectif "sinistres".

Quant à son jugement sur Maurras, même s'il l'a modifié dans l'édition de 1970, il ne me semble pas qu'il en ait atténué le caractère louangeur — ce qui est tout à son honneur.

Ecrit par : max | 23.04.2009

So what ? Racine aussi. Corneille idem. La Fontaine idem. Flaubert ("je hais la démocratie. Le premier remède serait d'en finir avec le suffrage universel, la honte de l'esprit humain") idem. J'arrête là. Qui va-t-il donc vous rester, à part les auteurs pour patronage laïc (genre D. Daenincks — je ne suis pas sûr de l'orthographe, mais ça ne vaut vraiment pas la peine de vérifier). Je crois que dans l'acception particulièrement crétine que vous donnez au terme "République", même les meilleurs auteurs supposés "de gauche" se trouveraient exclus. Pour commencer, aucun ne se serait jamais commis à parler de "valeurs" comme le premier politicien ou dir'com venu qui ignore jusqu'au sens des mots.

Ecrit par : max | 23.04.2009

De larges pans de la grande pensée européenne, de Platon à Heidegger, sont profondément antidémocratiques. Faudra-t-il bientôt en interdire l'enseignement dans les lycées dits "de-la-République" ?

Ecrit par : max | 23.04.2009

Qui a dit qu'il ne fallait pas tout lire ? Personne, au contraire.
On parle ici d'un hommage que rendrait une ville à un grand homme. Il est où le grand homme ? Haedens ? Alcoolique, planqué pendant la guerre, ni résistant, ni courageux, petite main d'une école fasciste, admirateur des pires antisémites, pourfendeur de la république et des enseignants, etc.
Nous n'avons aucune raison à La Garenne-Colombes de rendre hommage à cet homme là. Le maire, peut-être, c'est son problème mais pas celui des 27.000 autres qui devront supporter un choix personnel qu'ils ne partagent pas.
Max, personne ne vous interdit de penser, lire ou manger ce qu'il vous plait, ni même de venir écrire ici ...

Ecrit par : PhilBert | 24.04.2009

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